A trois jours du second tour de l'élection présidentielle, nous vous proposons une infographie recensant en 12 points les principales propositions d'Emmanuel Macron et Marine Le Pen s'agissant des instances représentatives, du dialogue social, du droit du travail, de l'emploi, du pouvoir d'achat, etc.
Les derniers jours, qui ont culminé hier soir avec un débat télévisuel nourri d'invectives et difficilement audible, ont changé le paysage de la campagne présidentielle et dramatisé les enjeux, notamment autour des questions sociales (voir ci dessous notre infographie comparant les programmes des deux candidats). Il y a une semaine, les deux candidats qualifiés pour le second tour, Emmanuel Macron (24,01% des voix) et Marine Le Pen (21,30%), se sont livrés à une bataille d'opinion en venant à la rencontre des salariés de Whirlpool Amiens, usine promise à la fermeture en 2018. Cette journée mouvementée a reposé la question du pouvoir effectif de l'Etat face à la décision d'une entreprise privée de conduire un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) pour délocaliser son activité dans un pays dont le coût de main d'oeuvre est plus faible (lire notre article : Que peut l'Etat en cas de PSE ? Trois points de vue sur l'affaire Whirlpool ? ).
Mais cette journée a aussi illustré la conception différente que se font les deux candidats des représentants du personnel. En effet, Emmanuel Macron, qui soutient la généralisation du chèque syndical pour faciliter la syndicalisation des salariés mais souhaite reprendre la main sur la formation continue et l'assurance chômage au détriment des partenaires sociaux, a adopté à Amiens le registre classique d'un ministre du Travail dont le pouvoir et l'influence effectives consistent à contrôler la qualité d'un plan social, à faire pression sur l'entreprise pour l'améliorer, à favoriser les reclassements et la reprise ou la réindustrialisation du site. Il a rencontré longuement les représentants de l'intersyndicale de l'usine pour évoquer l'avenir du site avant d'aller au contact du personnel. Marine Le Pen a préféré, elle, s'en tenir à un contact direct et relativement bref avec les salariés, en jouant sur le registre de la compassion tout en avançant des solutions qui paraissaient improvisées. Elle a évoqué l'idée de nationaliser le site mais aussi d'instaurer une taxe sur les importations de produits dont les entreprises ont délocalisé la production.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Cette dernière solution suppose de sortir de fait de l'Union européenne. Face à un électorat ouvrier sensible à ses thèses comme à celles de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, qui promet d'abroger la loi Travail, a donc voulu incarner l'idée de restaurer la souveraineté de la France. Mais la candidate du Front national, dont le programme économique et social (retour à la retraite à 60 ans, maintien des 35 heures) est construit autour de l'idée de la préférence nationale (qui consiste notamment à revenir sur les droits des étrangers et à supprimer le droit du sol), de la sortie de l'euro et de l'Union européenne, a semblé nuancer ses propositions depuis qu'elle a obtenu le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan. Le candidat souverainiste de Debout la France, qui a obtenu 4,7% des voix au premier tour, soutient donc Marine Le Pen dont il serait le Premier ministre en cas de victoire du FN. Leur programme ne fait plus un préalable de la sortie de l'euro pour conduire une politique économique, l'idée étant tout de même d'aller vers une restauration du franc en France, et vers un usage de l'euro limité à une monnaie d'échanges entre pays.
A l'inverse, le programme économique et social d'Emmanuel Macron s'inscrit pleinement dans une Union européenne qu'il veut rééquilibrer au profit de la France. L'idée est de montrer à l'Allemagne que la France peut faire des réformes (du marché du travail notamment, avec une nouvelle baisse des cotisations sociales) afin de retrouver sa compétitivité économique, ce qui lui permettrait de peser en faveur d'une zone euro plus intégrée autour d'un petit nombre de pays. Ce faisant, il inscrit ses pas dans la diplomatie traditionnelle de la France, qui veille à garder un contact étroit avec l'Allemagne, mais aussi dans une politique sociale et économique souvent critiquée à gauche pour son absence de résultats face au chômage malgré une remise en cause du droit du travail existant.
A gauche, justement, de nombreuses voix (comme Benoît Hamon -qui a obtenu 6,36% des voix au premier tour- le président François Hollande et tous les responsables socialistes) ont appelé à voter pour Emmanuel Macron. Bien qu'ils aient échoué à donner l'image d'un front uni à l'occasion du 1er mai (contrairement à 2002), la quasi-totalité des syndicats, à l'exception de la CFE-CGC qui refuse de donner des consignes de vote, a appelé à faire barrage au Front national. Au nom, notamment, des libertés publiques dont ils estiment qu'elles seraient remises en cause par Marine Le Pen (*). Le Front national cherche, de facto, à contrôler son image en excluant certains journalistes de ses meetings, un de ses responsables nationaux lançant même l'idée de "créer un ordre des journalistes" pour "sanctionner les mauvaises pratiques", les enquêtes de la presse sur le FN étant perçues par ses responsables comme de "l'espionnage". Le programme de Marine Le Pen promet aussi "de moraliser la vie syndicale par un contrôle public du financement des syndicats", le FN souhaitant aussi abolir "le monopole de représentativité". Cette dernière idée signifie-t-elle que des non syndicats pourraient être reconnus représentatifs ou seulement qu'il s'agit d'en finir avec le monopole syndical de présentation des candidats au premier tour ? Mystère.
Le candidat de la France insoumise, qui a recueilli 19,58% des voix au premier tour, n'a pas appelé explicitement à voter Emmanuel Macron, dont il combat les propositions, mais à ne pas voter FN. La demande de Jean-Luc Mélenchon adressée à Emmanuel Macron d'abandonner son idée de réformer le code du travail par ordonnances dès l'été a reçu une demande de non recevoir de ce dernier. "Ces changements sont la condition pour que nous n'ayons pas, dans 5 ans, le FN encore plus fort et encore plus haut", a estimé le candidat d'En marche, lors de son meeting lundi 1er mai. Emmanuel Macron confirme donc qu'il lancera "dès les premières semaines" trois chantiers prioritaires : "La moralisation de la vie publique, le droit à l'erreur (Ndlr : l'administration devrait prouver que l'erreur reprochée à une entreprise a été commise intentionnellement), la réforme du travail".
Reste à savoir ce que contiendrait cette réforme du travail. Le candidat ayant insisté sur sa volonté de réformer rapidement en début de mandat, on peut en déduire que s'y trouveraient ses principales propositions : allégement du code du travail et nouveau renforcement de la négociation collective en entreprise (l'employeur pouvant prendre l'initiative d'un référendum pour approuver un accord minoritaire), fusion des instances représentatives du personnel dans toutes les entreprises, plafonnement des indemnités prud'homales, nationalisation du système d'assurance chômage et droits ouverts à l'ensemble des actifs, etc. Il faut rappeler ici que ces propositions accentuent la loi Travail qui avait déclenché un fort mouvement social l'an dernier. "Réforme du travail par ordonnances ? Attention les secousses Manu", a prévenu un responsable syndical de branche sur un réseau social...
(*) Un sondage a indiqué que les sympathisants d'organisation syndicale votent moins que les autres salariés en faveur du Front national, voir notre article
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